L’ego dans la pratique du Yoga : Allié ou ennemi ?
L’ego dans la pratique du Yoga : Allié ou ennemi ?
Quand on se met en chemin, il y a un mot qui revient vite, souvent, parfois avec une grimace : l’ego.
Ennemi numéro 1, coupable idéal, on l’accuse de tout. D’être une illusion, de résister, de nous tromper, d’être la cause de la souffrance, et j’en passe.
On voudrait presque s’en débarrasser.
Nous pouvons cependant nous poser cette question : à quoi ressemblerait une pratique sans ego ?
Qui viendrait sur le tapis ? Qui choisirait de sortir de son confort pour évoluer ?
Et même : qui se poserait la question de la libération ?
Alors, est-ce vraiment lui le problème, ou bien peut-il faire partie de la solution ?
Il est peut-être temps de s’asseoir avec lui. Non plus pour le combattre, mais pour le comprendre.

L’ego : ce qui dit "je"
L’ego, ce n’est pas un démon intérieur. C’est une structure mentale.
Celle qui compare, qui se défend, qui veut bien faire.
Celle qui souffre, celle qui a peur.
On ne peut pas ne pas avoir d’ego. Il est la trace laissée par tout ce que nous avons vécu, interprété, mémorisé.
C’est le résultat naturel de l’activité mentale, qui assemble des expériences, des souvenirs, des blessures, des croyances et construit une image solide du monde et de nous-mêmes pour notre survie.
En effet, le mental a besoin de structurer la réalité pour que nous puissions y naviguer, et notre ego n’est que cette image de nous, une forme que notre mental se donne pour interagir avec le monde, une identité.
Cette construction identitaire est inévitable.
Et c’est elle qui façonne un « je » en séparant ce qui est soi et ce qui ne l’est pas, qui compare, se défend.
L’ego n’est pas « mauvais ». En tant que fabrication du passé, il est juste limité.
Sur le tapis : qui pratique vraiment ?
L’ego peut être au service de la pratique.
C’est lui qui dit : je vais me lever, je vais au cours, je veux m’ancrer.
Il est souvent le premier moteur du chemin : un besoin de comprendre, de se recentrer, de guérir, ou même de se transformer.
Sans lui, sans cette impulsion personnelle, personne ne franchirait la porte d’un cours, ne déroulerait son tapis, ne tiendrait une posture ou n’explorerait la méditation.
Ce n’est pas un problème. C’est un début.
Et ce début est légitime.
Mais si l’on ne le voit pas à l’œuvre, il s’installe.
Et il prend les habits du yogi.
Il veut être « plus avancé », plus souple, plus calme, plus « éveillé ».
Il se compare en secret, cherche à bien faire, à ne pas déranger, à être reconnu dans sa démarche.
On le retrouve dans celui qui s’applique à paraître détaché, mais redoute le moindre relâchement.
Dans celle qui fuit le tumulte du monde non pas pour se rencontrer, mais pour se protéger.
Dans ce besoin subtil de faire « comme il faut », de réussir le lâcher-prise.
Quand il agit en douce, il transforme l’expérience en performance.
Il colore même les plus belles intentions.
Comme disait Alan Watts :
« L’ego est une ruse cosmique : il veut se libérer de lui-même pour mieux se renforcer. »
Observer sans nourrir
Alors, que faire ?
Rien de spectaculaire. Juste voir.
C’est la conscience — cette faculté silencieuse, présente, lucide — qui rend possible cette vision.
Mais c’est aussi, paradoxalement, grâce à l’activité du mental devenu clair, que l’on peut commencer à reconnaître ce qui, en nous, fonctionne à l’aveugle.
Le mental, à l’origine de l’ego, peut devenir outil d’observation s’il est mis au service de l’attention.
Un peu comme si un mécanisme pouvait, en se connaissant lui-même, défaire ce qu’il avait construit sans conscience.
Alors on voit.
Quand l’ego prend les commandes.
Quand il veut bien paraître. Quand il rejette l’échec.
Quand il s’attache à l’image du « bon élève », du « bon yogi », du « chercheur sincère ».
On peut l’observer — sans le juger.
Comme on regarde un enfant faire un caprice : sans céder, avec un peu de tendresse, et beaucoup de clarté.
Et parfois, dans une posture, dans un souffle, dans un instant de pleine présence…
il n’est plus là.
Il n’y a que l’expérience nue.
Pas de commentaire, pas de comparaison, pas d’image à défendre.
Juste la vie qui se vit.
L’ego comme allié (mais pas le capitaine)
On n’a pas besoin de tuer l’ego. Ce serait encore lui qui voudrait le faire.
Mais on peut consciemment choisir de ne plus le mettre au centre.
Le yoga, ce n’est pas se débarrasser du « je ».
C’est vivre au-delà de lui.
Découvrir que ce « je » est un outil, une voix, que l’on peut façonner au service d’une expérience plus libre de la vie.
Et parfois, grâce à nos pratiques, il se calme, il s’efface un peu.
Il n’a pas disparu, mais il a laissé quelques instants de la place, pour que quelque chose de plus vaste apparaisse.
Un espace sans nom, sans comparaison, sans peur.
Un espace de pure présence.
Le yoga n’est pas une réussite à obtenir,
C’est un chemin à parcourir, avec sincérité.
Avec l’ego, et non contre lui,
Dans une cohabitation paisible et libératrice.

Méditativement, Basile
Le 18 Mars 2025